Sa très chère Moscou qui défile par la fenêtre tandis que son coeur palpite dans sa poitrine. Sacha est terrifiée, c'est fou ! Comment peut-on être terrorisée à ce point par quelqu'un qu'on aime tant ? Elle soupira, se maugréant elle-même. C'était un comportement parfaitement stupide digne de ces midinettes qu'elle ne supportait pas. Non, elle était Sacha que diable ! L'assurance, c'était son truc et elle ne laisserait personne lui prendre ça, pas même Stefan. Stefan... Nouvelle embardée de son coeur. Mais il allait se calmer celui-là ? Sa raison suivait mais son coeur n'en faisait qu'à sa tête. Quelle faiblesse que d'être humain. Elle se massa la nuque.

Chaque bout de trottoir, chaque carrefour, chaque bout de ciel même lui rappelait toute son adolescence, tous les moments passés avec lui. Stefan avait su, elle ne dirait pas éclairer, c'était bien trop cliché romantique à son goût, mais il avait ravivé les couleurs du pauvre tableau de sa vie. Des discussions interminables, des débats sans fin, des éclats de rire, des éclats de colère, des moments d'ivresse et de communions intenses. Elle frissonna malgré elle. Stefan était son meilleur ami, celui qui la complétait, la comprenait, la contrariait. Il partageait chacun des moments de sa vie depuis qu'elle avait 13 ans. Et elle avait très vite su qu'il provoquait chez elle bien plus qu'une belle amitié alors c'est avec lui qu'elle avait voulu le faire pour la première fois. Elle n'oublierait jamais: la douceur de Stefan mais aussi son empressement, sa maladresse adorable, la douleur mais aussi cet embryon de plaisir qu'ils s'était appliqués à intensifier et attiser pendant les années qui suivirent. Elle se foutait qu'il ait des petites amies, elle le possédait comme aucunes d'elles ne le pourraient jamais. Il était son Stefan et rien ne pourrait changer ça. Mais elle avait eu peur, terriblement peur et elle avait choisi Alexeï parce que sa force morale lui faisait oublier toute peur et elle était partie avec lui, laissant Stefan derrière eux.

Mais là, à bord de ce taxi qui la menait vers lui, elle était de retour. Elle n'avait pas osé appeler pour s'annoncer, encore cette trouille stupide. Elle n'avait pas fermé l'oeil de tout le voyage en avion et n'avait pu pensé à rien d'autre que ce que pourrait être la réaction de cet homme qui comptait tant pour elle. Mais elle était là, le taxi la déposait devant la porte de son immeuble. Elle était là, elle montait finalement les marches qui la séparaient de l'étage de Stefan. Elle était là, elle frappait à sa porte. Mais il y en avait une autre là. Quand Stefan avait ouvert la porte, qu'il s'était figé de stupéfaction devant son apparition. Elle avait eu un sourire immense, elle avait l'impression de finalement rentrer chez elle, avec lui. Elle aurait voulu lui sortir une de ces phrases dont elle avait le secret, de se jeter dans ses bras mais voilà, elle avait vu cette femme mature passée la tête depuis ce qu'elle savait être la cuisine. Une seconde de latence dans le cerveau de Sacha. Une douleur sourde qui lui tord les entrailles. Un gémissement muet qui ne sortirait jamais de sa gorge. Tout ça en une fraction de seconde avant qu'elle ne reporte son attention sur Stefan et ne peigne une expression de surprise amusée sur son visage.

« Sacha ?! »
« Alors, je te manquais tellement que tu fais dans la femme mature maintenant ? »

Et le pire c'est que le visage de cette femme ne lui était pas parfaitement inconnue. Mais elle s'en moquait. Elle n'était rien, non rien. Une nuit, une passade, la belle affaire. Non elle n'était rien, Stefan n'était pas amoureux d'elle. Stefan l'avait elle, il n'avait pas besoin d'être amoureux.Non...